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La chronique théâtrale de Jean-Pierre Léonardini.

" Nabokov disait qu’« aucun auteur n’a créé avec plus de naturel des personnages aussi pathétiques que ceux de Tchekhov. Son humour calme et subtil imprègne la grisaille des vies qu’il crée ». Prenez la Mouette (1896). On ne s’en lasse pas. Chaque saison en offre au moins trois ou quatre. C’est au tour d’Isabelle Hurtin (Cie du NESS) de la mettre en scène, dans la traduction d’Antoine Vitez. Sa vision témoigne d’une sensibilité à vif, appliquée à ce qu’elle considère comme une ode mélancolique au théâtre, dont elle entend cultiver la part des ombres (celles-ci dues à Jean-Pierre Lescot, assisté de Marie Vitez). C’est d’emblée flagrant dans la scénographie (Jean-Marc Hennaut et Jean-Pierre Lescot encore) qui constitue du début à la fin, grâce à un rideau de papier Kraft, une maison de théâtre au bord du lac, à partir du désir déçu de Treplev  (Mathieu Saccucci) dont il ne se relèvera pas. On sait qu’il y a de l’Hamlet en lui et qu’il est jaloux de Trigorine (Thomas Cousseau), l’écrivain reconnu qui est l’amant de sa mère, l’actrice Arkadina (Isabelle Hurtin), ledit Trigorine lui soufflant sous le nez Nina (Léonor Ilitch), la mouette empêchée, la jeune fille qui veut  devenir comédienne, le tout se passant dans un petit monde où chaque personnage est délicatement dessiné dans ses manies, ses faiblesses, ses menus ridicules. 

On goûte la fameuse scène du pansement sur la tête du fils en demande d’amour.  

La représentation suscite, dans les eaux mêlées d’un trop-plein d’intentions symboliques et du réalisme inéluctable de Tchekhov, pudique et violent par-à-coups, une étrange qualité d’impressions. Est-ce dû au jeu dans son ensemble, résultat de formations disparates suivant les générations ? Je ne saurai dire avec précision. En tout cas, il y a là une ferveur, une sorte de grâce timide jusque dans l’audace dramaturgique aléatoire, fondée sur « les miroirs fous des rives du lac », ainsi que l’écrit dans ses notes préliminaires Isabelle Hurtin, au demeurant une belle et bonne Arkadina. On goûte la fameuse scène du pansement sur la tête du fils en demande d’amour et de reconnaissance. Elle ne manque pas d’allure, à tout prendre, dans des élans de tendresse coupés net. Entre chaque acte (il y en a quatre), François Couturier et Jean-Marc Larché ont composé de courtes phrases musicales allusives. Jean-Marc Hennaut a conçu des lumières d’entre chien et loup. "

" (...) La pièce est allègrement menée par Isabelle Hurtin qui en a signé la mise en scène.
Théâtre d'Ombres et de Lumières remarquablement mis au point par les soins conjugués de Jean-Pierre Lescot (assisté de Marie Vitez) et de Jean- Marc Hennaut.

Une création musicale de François Couturier et Jean-Marc Larché constitue la musique d'ambiance et le CD est en vente au foyer du théâtre.

Les inconditionnels tchekhoviens trouveront là de quoi se satisfaire, il n'en faut point douter car ces deux heures de spectacle passent agréablement. "

Simone Alexandre

Une mouette en clair-obscur, l’essence même de l’Art.

Un voyage poétique de toute beauté entre ombres et lumières, au cœur de la créativité.

La Mouette, création d’Isabelle Hurtin met les Arts en avant et la condition d’artiste sur des thèmes contemporains : conflits de génération, amours, solitudes et liberté. La mise en scène incorpore des éléments modernes et révèle des individus rêveurs, ambitieux, dépendants des autres. Chacun se détache avec sensibilité ou détermination. De l’indifférence à la cruauté, de la légèreté à la tragédie, les comédiens talentueux livrent une palette d’émotions et savent aussi manipuler le public. Léonor Ilitch incarne Nina dans sa fragilité et sa fougue, tout de blanc vêtue, elle est « l’âme universelle » qui se souvient de tout. Mathieu Saccucci est Treplev, artiste incompris à fleur de peau, poussé par ses élans. Isabelle Hurtin irradie par son interprétation remarquable d’Arkadina. Les espaces de la maison, du théâtre, du lac sont soigneusement délimités et jouent de la transparence. La construction se fait avec le public explorant la création artistique : théâtre d’ombres, « formes nouvelles », de magnifiques tableaux soulignés par les belles lumières de Jean-Marc Hennaut.

Écrite en 1896, la pièce d’Anton Tchekhov traite de problèmes d’actualité. Il exprime par la dramaturgie les frustrations individuelles, les maux de la société et donne sa vision du monde. Dans l’incapacité de faire coïncider leur désir avec la réalité, la Mouette est symbole de liberté, de l’amour entre Nina et Treplev. Empaillée, elle devient une traduction onirique de cette histoire, de notre histoire et de la fin violente de notre monde mais reste poétique et porteuse d’espérance comme notre idée du monde. La nature intemporelle et immuable s’oppose à la vie éphémère, aux sentiments à l’épreuve des années qui passent : chaque acteur revêt au fur et à mesure de la pièce un pardessus grisâtre, comme si la poussière s’était posée sur eux. Effets spéciaux, scènes bucoliques nettes, presque photographiques, cette adaptation riche nous transporte à travers le temps : ce sont les Nymphéas de Monet à Giverny, Sarah Bernhart à la Pointe des Poulains, les créatures fantastiques d’Odilon Redon et une kyrielle d’images qui surgissent dans notre esprit. "

Paula Gomes

"Cette création se passe entre les larmes du lac, les couleurs claires et limpides de l’espoir, de la jeunesse, de l’amour, les brumes de la vie. Tous les Arts, lorsqu’ils sont beaux, sont placés entre le ciel et la terre, dans cet espace indéfini, secret, précieux. Nous leur donnons de la force en les dévoilant dans le cœur même de la vie." explique la metteuse en scène Isabelle Hurtin, qui semble décidée à laisser une part d'ombre auréoler la promotion de sa vision de La Mouette.

Le sublime texte d'Anton Tchekhov, joué pour la première fois en 1896, ne cesse de fasciner les gens de théâtre du monde entier, il semble importer d'en voir et revoir des interprétations toujours différentes ; chez Isabelle Hurtin, l'idée est d'être particulièrement attentif àla scénographie signée par Jean-Marc Hennaut et Jean-Pierre Lescot, qui crée une véritable maison sur la scène du théâtre Le Ranelagh, à la musique de François Couturier et Jean-Marc Larché, qui ajoute une "voix invisible" aux autres voix, et aux lumières du même Jean-Marc Hennaut. 

Les jeux avec les matières, avec les ombres et les couleurs, font parler le décor comme un personnage, et mettent en évidence ce que l'on appelle le "théâtre dans le théâtre" ; le drame de Nina, perdue par sa passion pour le théâtre et les amours de passage, n'en est que plus poignant. 

Maïlys C.

" Cette année, les "Mouettes" se succèdent. Après celle de Thibault Perrenoud, traduisant en français une version anglaise de Tchekhov, Isabelle Hurtin a préféré revenir à une vision plus classique, en reprenant le texte traduit par Antoine Vitez. La démarche, cette fois, n'est pas d'aller vers une relecture du chef d'oeuvre de Tchekhov, au risque de le dénaturer et de le simplifier, mais d'en restituer la complexité et surtout d'essayer de lui être fidèle.

On aura donc une "Mouette" avec tous ses personnages et toutes ses situations. Si cette volonté de respecter le texte du dramaturge russe est louable, elle conduit paradoxalement Isabelle Hurtin à travailler pour un public qui connaît déjà bien l'oeuvre de Tchekhov… Arkadina (Isabelle Hurtin), la comédienne célèbre, et Treplev (Mathieu Saccucci), son fils, dramaturge en devenir et profondément opposé à Trigorine (Thomas Cousseau), l'homme avec qui elle vit, Nina (Léonor Ilitch), jeune fille qu'on découvre possédée par l'envie d'être actrice et qui va, sous l'influence de Trigorine, franchir le pas.

Le dispositif scénographique conçu par Jean-Marc Hennaut et Jean-Pierre Lescot est inventif. La manière d'introduire du théâtre dans le théâtre cherche à être original et est plutôt réussi.

"La Mouette" est-elle une comédie grinçante sur l'art ou une tragédie sur l'impossible survie des cœurs purs, ceux qui ne font pas les concessions nécessaires pour trouver une réelle place dans la société ?  Cette "Mouette" rassemble une distribution cohérente et possède assez de qualité de mise en scène pour convaincre sans restriction. "

Philippe Person

" La jeune Nina rêve de théâtre ; elle joue le texte de son amoureux Treplev, jeune écrivain exalté qui nourrit le rêve d’un théâtre nouveau. La représentation donnée en l’honneur de sa mère Arkadina tourne vinaigre, en présence de la petite assemblée des fidèles de la maison. Conflit entre deux visions de l’art, conservateur et résolument avant-gardiste, c’est-à-dire inaudible, conflit entre une mère castratrice et un fils qui ne veut que lui plaire et déteste tout ensemble son ironie méchante et son manque d’affection. Il est aussi question d’amours déçues ; Treplev aime Nina qui aime Trigorine, l’amant d’Arkadina, fameux écrivain qui n’écrit plus une ligne, qui n’aime personne ; Medvedenko l’instituteur aime Macha la fille de l’intendant qui aime Treplev qui… Dans ce monde sans avenir, Nina semble différente,.. Mais La mouette a raté son envol et perdu son innocence. 
Isabelle Hurtin a choisi la belle traduction d’Antoine Vitez pour mettre en scène ce joyau du théâtre russe. 

Quelques belles idées comme l’utilisation du théâtre d’ombres. "

Corinne Denailles

Du 14 au 30 avril, Isabelle Hurtin dépoussière la pièce emblématique de Tchekhov au théâtre du Ranelagh. Fidèle au maître russe, elle entremêle des polyphonies amoureuses sur fond d'intrigue politique – Chronique -

« C’est une comédie avec trois rôles de femmes et six rôles d’hommes. Quatre actes, un paysage (vue sur un lac), beaucoup de discours sur la littérature, peu d’action, et cinq tonnes d’amour ». Voilà comment Tchekhov résume La Mouette qui deviendra une de ses pièces emblématiques, malgré un accueil froid en 1896. Portée sur les planches des centaines de fois, l’oeuvre du dramaturge russe n’a jamais cessé de fasciner. 

 

L’amour et l’amer.

Des chaises réparties sur le plateau, une toile de papier sur laquelle passent les personnages du drame tels des ombres chinoises, des échelles, des ficelles, des tréteaux : d’emblée, le spectateur plonge dans un « théâtre dans le théâtre ». En choisissant cette scénographie portée par la musique de François Couturier et de Jean‑Marc Larché, Isabelle Hurtin place l’Art au centre de la pièce... Isabelle Hurtin incarne une Arkadina bouleversante de cruauté, traversée par la colère et la révolte, Tréplev (Mathieu Saccucci), Nina, « l’âme universelle » de la pièce (Léonor Ilitch), la belle et fascinante Nina paraît, Macha sur ses talons (interprété par Fanny Jouffroy), Trigorine (Thomas Cousseau) par un jeu mesuré et sincère incarne le courage, le pessimisme et l’humour triste de Tchekhov… Il en découle un drôle de jeu, flottant : « comme ils sont nerveux, tous…. » lâche Dorn, le médecin de campagne, « mais que d’amour« . Dans ce conte russe que tout amateur de théâtre a dévoré avec passion, tout est tragique et les passions restent inaccomplies. C’est cela la magnificence de Tchekhov.

Les décors sont ingénieux.

Camille Poirier

" D’abord une pensée émue pour Antoine Vitez; aujourd’hui, il y a déjà vingt-sept ans,  jour pour jour (et c’était aussi un dimanche vers 17 heures  comme  au moment de cette représentation), il fut terrassé par une hémorragie cérébrale!

Donc encore une Mouette ce mois-ci,  la troisième ce mois-ci! (voir Le Théâtre du Blog). Disons sans doute quelque peu influencée par Antoine Vitez, dont Isabelle Hurtin fut l’élève, et qui monta  remarquablement La Mouette à Chaillot.

Cela se passe en un peu plus de deux heures, dans le petit théâtre du Ranelagh en bois et stuc de style Renaissance flamande, tout près de la place de la Muette (XVIème) que Louis Mors, un constructeur automobile, fit bâtir en 1895, à côté de son hôtel particulier…Tiens, la même année où Anton Tchékhov écrivit sa célèbre Mouette, créée en octobre 1896 à Saint-Pétersbourg, avec Vera Komissarievskaia dans le rôle principal, et qui fut un échec, avant d’être reprise, trois ans plus tard, par Constantin Stanislavski avec succès au Théâtre d’Art de Moscou. La première de ses grandes pièces-devenues cultes dans le théâtre contemporain: Les Trois sœurs, Oncle Vania et La Cerisaie… "

Philippe du Vignal

" Pièce dans la pièce, jeux habiles de lumière projetés sur des rideaux de papier comme des ombres chinoises animées, saisons représentées sur trois espaces de jeux différents, la mise en scène de cette version de la troupe d’Isabelle Hurtin est ciselée et délicate. Derrière les incessants bavardages des personnages qui parlent pour combler le vide et grappiller des instants de vie à la mort, point le désenchantement qui finira par tous les emporter. Il y a des rires, des traits d’esprit, des parties de loto, mais chacun sait que son destin est scellé. Irina n’ignore pas que Trigorine est épris d’une autre ni que son fils en souffre. Kostia voit bien que Nina se matérialise en mouette qui ne songe qu’à prendre son envol, mais il reste cloué au sol et comme lui, son oeuvre ne décollera jamais. La distribution est impeccable et deux comédiens ravissent particulièrement notre coeur autant que la lumière : Mathieu Saccucci, sur le fil de l’émotion perpétuelle en Kostia qui ne demande qu’à être aimé en retour et Isabelle Hurtin elle-même, fébrile en actrice diva, égocentrique et égocentrée qui refuse de voir son monde s’effondrer. "

Julien Wagner

UnitedStatesOfParis

LA MOUETTE@THÉÂTRE de l'ÉPÉE de BOIS : PERTINENTE et DANS l'AIR du TEMPS

Tchekhov apprécie mettre en scène des personnages invariablement en survie. Ces êtres humains tentent candidement d’aérer leurs vies par la seule force des dons naturels qu’ils possèdent. Autant dire que la désillusion est bien souvent inéluctable… C’est là tout le raffinement de son œuvre entre impétuosité et indulgence que nous retrouvons avec La Mouette dans une adaptation soignée d’Isabelle Hurtin au Théâtre de l’Epée de Bois.

Treplev, jeune écrivain tourmenté, souhaite réinventer le théâtre pour un monde nouveau. Il écrit une pièce pour son amour, Nina, qui l’interprète. Il cherche à s’affirmer et à éblouir sa mère Arkadina, célèbre comédienne. La maison de campagne familiale avec son lac servira de décor. Par un jeu d’ombres chinoises, la quête idéale de Treplev ne séduit pas les auditeurs. Nina le quitte alors pour Trigorine, l’amant de sa mère. C’est ainsi que se terminent les rêves parfois…

La coquille, dans laquelle se protègent les différents personnages, se craquelle alors insidieusement… À travers leurs passions, leurs ambitions artistiques et amoureuses, chacun se dévoile en se laissant parfois porter par un instinct trompeur.

Le reflet que projette cette dramatique comédie sur nos vies est terne bien que nous ne puissions le nier. Entre l’ambition, l’espoir, le rêve, la liberté, la trahison et le désenchantement, comment ne pas reconnaître nos vies désaccordées ?

C’est une balade onirique dans un clair-obscur permanent où les arts exaltent la passion, les aspirations et les dissensions entre tous les personnages. Treplev compte réinventer le théâtre, Nina aspire à devenir actrice. Arkadina a peur de finir dans l’ombre, Trigorine trouve et aspire sa muse…

Entre les jeux de lumières, les interludes musicaux, les jeux d’ombres qui reflètent des images insolites et le jeu des acteurs absolument merveilleux, nous sommes envoûtés jusqu’au dénouement funeste comme notre monde, mais poétique et plein de promesses comme notre idée du monde…

by Jean-Philippe Puyaumont

La Mouette

Adaptée de l’oeuvre éponyme d’Anton Tchekhov

Metteur en scène : Isabelle Hurtin assistée par Marie Vitez & Kevin Chemla
Avec  Isabelle Hurtin, Mathieu Saccucci, Didier Sauvegrain, Léonor Ilitch, Jean-François Chatillon, Marjorie Hertzog, Fanny Jouffroy, Thomas Cousseau, Frédéric Cuif, Bruno Bisaro, Kévin Chemla

Jusqu’au 28 Juin 2017
les lundis, mardis et mercredis à 20h30

Théâtre de l’Epée de Bois – Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

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